Le cauchemar

 

 

Introduction

1Le cauchemar est un thème qui a intéressé très tôt le domaine médical. Les premières mentions dans les textes médicaux sont déjà retrouvées dans les écrits d’Hippocrate. Mais le cauchemar a également alimenté les folklores populaires de la période antique jusqu’à nos jours. Le sens du terme cauchemar est à prendre ici dans sa signification première. L’analyse étymologique permet de distinguer deux éléments. Le terme « cauche » est la forme romane du latin calcare, qui signifie « fouler, écraser ». Le terme « mar » dérive du terme germanique mahr, qui désigne une entité fantomatique montant à cheval. Cet esprit a pour habitude de surprendre le dormeur dans son sommeil pour le piétiner de son cheval et le tuer [12]. Le thème du cheval se retrouve également dans la langue anglaise : night mare ne signifie-t-il pas littéralement « jument de la nuit » ?

2De nos jours, le cauchemar correspond à la notion de mauvais rêve. La définition apportée par la CIM-10 est la suivante : « Expérience de rêve chargée d’anxiété ou de peur s’accompagnant d’un souvenir très détaillé du contenu du rêve. » Cette définition moderne est très réductrice et loin du sens premier du cauchemar. Depuis l’antiquité jusqu’à la fin du xixe siècle, le cauchemar désignait un tout autre trouble neuropsychique. Les éléments constants relevés à travers les descriptions du cauchemar, quel que soit le pays et l’époque historique, sont les suivants : réveil soudain, avec impression de suffocation, d’oppression thoracique, d’état lourd et d’angoisse intense pouvant s’accompagner d’une impression de mort imminente. Une paralysie passagère des membres accompagne le tableau. Parfois, la vision d’êtres surnaturels dans la chambre ou l’impression d’attouchements des zones sexuelles complète le tableau. Dans cet article, nous allons faire une rétrospective historique du cauchemar et étudier comment ce trouble neuropsychique a alimenté le folklore populaire et les nombreuses interrogations qu’il a pu susciter dans le domaine médical, et notamment psychiatrique.

Période antique

3Dans la Grèce Antique, le cauchemar était désigné par le terme Ephialtès qui signifie littéralement « se jeter sur ». Les premières descriptions médicales de ce phénomène qui assaille le dormeur sont identifiées dans les écrits d’Hippocrate au Ce siècle avant J.-C. Les symptômes sont déjà bien identifiés et décrits dans une perspective médicale en faisant fi des considérations surnaturelles. L’oppression thoracique et la dyspnée attirent particulièrement l’attention d’Hippocrate qui attribue ces symptômes à une cause probablement digestive. Ainsi, une indigestion pourrait déclencher les manifestations d’un cauchemar [8].

4Le premier médecin de la Rome Antique à s’emparer de cette problématique est Thermison de Laodicée, contemporain du célèbre Jules César. Ses textes sont rédigés en grec, mais à la différence des auteurs précédents, il n’utilise plus le terme Ephialtès pour désigner le cauchemar. Il lui préfère l’appellation « l’étouffeur ». À l’instar d’Hippocrate, ce médecin distingue l’un des symptômes cardinaux du cauchemar, à savoir la sensation d’étouffement. Ses successeurs seront nombreux à s’intéresser au cauchemar. La langue latine utilisera comme terme incubus pour désigner ce phénomène, qui signifie « se coucher sur ». Les médecins romains étudiant ce trouble sont Soranos d’Éphèse et Caelius Aurélianus (iie siècle après J.-C.), Oribase et Macrobe (ve siècle après J.-C.), et Paul d’Égine (viie siècle après J.-C.). Dans tous les cas, la séméiologie de l’incubus est décrite selon les mêmes termes. L’impression qu’un individu s’assied sur la poitrine du dormeur en se jetant dessus est récurrente. Viennent ensuite la sensation d’immobilité, voire de paralysie, avec comme corollaire l’impossibilité de bouger et même de parler et crier. Le langage est réduit à la production d’un son faible et inarticulé.

5Dans la croyance populaire d’alors, l’incubus est assimilé à un démon qui s’assied sur la poitrine du dormeur, essayant de le violer. Cet être maléfique qui attaque le dormeur est un Alpe, une créature ressemblant aux futurs elfes du Moyen Âge. Toutefois, comme le souligne Paul d’Égine, ce démon se dérobe aussitôt que le dormeur lui touche le bout des pieds avec un doigt. Cette expérience est basée sur le fait que la manifestation du cauchemar disparaît normalement et physiologiquement dès que le dormeur récupère sa capacité de bouger, par un petit mouvement des doigts [20]. Pour Soranos, l’incubus ne serait qu’une forme d’épilepsie à prédominance nocturne.

6Une avancée dans la compréhension de ce phénomène est apportée par le médecin Macrobe. Ce dernier a la pertinence de constater que l’incubus survient préférentiellement lors du passage de la veille au sommeil (manifestation dite hypnagogique) et du passage du sommeil à l’état de veille (manifestation dite hypnopompique) : « Le fantôme semble apparaître ainsi quand entre la veille et le repos complet, dans lequel, comme on dit, quelqu’un croyant à cause de la première brume du sommeil être encore éveillé alors qu’à peine commencé à dormir, croit voir des formes issues de la nature qui bougent et l’attaquent pour ainsi dire de tous côtés […]. Dans cette catégorie, il y a l’Ephialtès que l’opinion générale s’imagine attaquer les gens en repos et alourdir par son poids les gens oppressés et conscients [14] ».

Moyen Âge et histoire moderne

7C’est à partir du Moyen Âge que le cauchemar quitte le domaine de la médecine pour entrer de plein pied dans la sorcellerie et la démonologie, dès le viie siècle. Le terme d’Ephialtès est encore utilisé au début de cette période, avant d’être abandonné au profit du terme « cauquemaire » dans le langage populaire. Le terme latin incubus va être repris spécifiquement par le monde ecclésiastique pour donner naissance au concept d’Incube.

8Pendant cette période marquée par un immobilisme culturel, le cauchemar est perçu non plus comme une entité mais comme une véritable créature possédant bien trois dimensions, avec un poids que le dormeur ressent sur sa poitrine. Les Alpes, petits êtres surnaturels antiques sont associés aux elfes et diabolisés ; ils seraient responsables des assauts nocturnes sur la poitrine des dormeurs.

9Le xve siècle voit éclore en Europe une véritable chasse aux sorcières. Le manuel de démonologie qui fait référence à cette époque, le Malleus maleficarum décrit entre autres des démons particuliers : les incubes et les succubes. Les auteurs de ce traité d’Inquisition, Heinrich Kramer et Jacques Sprenger, y donnent une description détaillée des démons en question. Les succubes sont des démons prenant l’apparence d’une femme dans le but de séduire un homme dans son sommeil et s’accoupler avec lui. L’incube est un démon mâle, qui s’accouple de gré ou de force à une femme pendant son sommeil : « Un démon succube prend la semence d’un homme scélérat, un démon proprement délégué près de cet homme et qui ne voudra pas se faire l’incube d’une sorcière. Il donne cette semence à un autre démon détaché près d’une femme, une sorcière ; et celui-ci, sous une constellation qui lui est favorable pour produire quelqu’un ou quelqu’une capable de maléfices, se fait l’incube d’une sorcière [11]. » L’Inquisition dénonce l’hérésie du commerce sexuel avec le Malin et le punit par le bûcher. Nous pouvons constater que l’église catholique identifie prioritairement l’un des symptômes mineurs du cauchemar décrit depuis l’antiquité : les impressions d’attouchements des zones sexuelles.

10Parallèlement aux croyances surnaturelles alimentées par l’Inquisition, les tentatives de théorisation médicale du cauchemar se poursuivent. Alcher de Clairvaux, moine cistercien du xiie siècle s’inspire des écrits du médecin antique Macrobe pour forger une classification des rêves et cauchemars. Ce moine décrit 5 types de rêves, parmi lesquels il distingue le phantasma, qui apparaît au dormeur sous la forme d’une figure fantomatique. À cette catégorie appartient l’Ephialtès, trouble pendant lequel le dormeur sent une force mystérieuse peser sur sa poitrine, l’empêchant de respirer et de remuer. Néanmoins, Clairvaux réfute l’explication surnaturelle. Selon lui, ce trouble serait secondaire à des vapeurs montant au cerveau, étouffant les esprits animaux du dormeur, lui donnant l’impression d’être oppressé et provoquant l’illusion de l’étouffement [17].

11Au cours du xve siècle, le médecin italien Giovanni Matteo da Grado s’attache à discréditer les théories religieuses concernant les incubes et succubes : « À propos de l’action des démons incubes, le médecin n’a pas à tenir compte de ces esprits et doit ramener les accidents à des causes qui relèvent de son art [9]. » Mais c’est surtout Jean Wier, médecin du duc Guillaume de Clèves, qui va s’attaquer à la démonologie à la fin du xvie siècle. Il publie à Bâle son célèbre traité De praestigiis daemonum et incantationibus ac venificiis libri V en 1563. Il y consacre un chapitre entier à l’illusion de l’incube : « Tous ces accidents procèdent de la chaleur diminuée, et se font lorsque les esprits animaux qui habitent dedans le cerveau, sont tellement offusqués par les vapeurs, qui montent et procèdent du phlegme et de la melancholie, que leur vertu en est oppressée [22]. » Comme nous pouvons le constater, Wier développe la théorie d’une probable origine psychophysiologique provoquant l’illusion du cauchemar, en reprenant in extenso le modèle du moine Clairvaux datant du viie siècle. Le chirurgien Ambroise Paré cite également le cauchemar dans l’un de ses ouvrages, mais reste essentiellement descriptif : « Les médecins tiennent que incubus est un mal où une personne pense être opprimée ou suffoquer de quelques charges pesantes […] que c’est une vieille qui charge et comprime le corps [19]. » Il donne un élément intéressant concernant l’origine d’un folklore contemporain connu sous le nom de Old Hag Attack, ou l’attaque de la vieille sorcière. Ce phénomène de la vieille sorcière, toujours associé de nos jours au cauchemar, trouve donc son origine à la fin du Moyen Âge.

12Au milieu du xviie siècle, le médecin néerlandais Isbrand van Diemerbroeck publie le premier cas clinique de cauchemar. Cette publication marque un tournant majeur, car la description clinique détaillée permet d’établir rétrospectivement le diagnostic de paralysie du sommeil paradoxal compliqué d’hallucinations hypnopompiques. Le célèbre cas numéro 11, intitulé À propos du cauchemar, décrit une femme de 50 ans, se réveillant la nuit avec l’impression que le diable est couché sur elle, l’empêchant ainsi de bouger et respirer. Des hallucinations visuelles complètent le tableau avec la vision d’une silhouette maléfique au pied du lit, ou encore d’un gros chien dans la chambre [10].

13Enfin, la fin de l’époque moderne voit l’utilisation de plus en plus fréquente du terme « cauchemar » remplaçant le terme populaire « cauquemaire ». Le dictionnaire Furetière en donne la définition suivante dans son édition de 1690 : « Cauchemar : nom que donne le peuple à une certaine maladie ou oppression d’estomac, qui fait croire à ceux qui dorment que quelqu’un s’est couché sur eux : ce que les ignorans croyent estre causé par le malin Esprit. En latin incubus, Ephialtès en grec ».

Époque contemporaine

14À la fin du xviie siècle, nous assistons à un nouveau basculement du cauchemar de la superstition vers la médecine et la psychologie, mais également dans le domaine de l’art. C’est en 1815 que le médecin Louis Dubosquet rédige sa thèse de médecine consacrée au cauchemar. Il est à cette occasion le premier médecin à remplacer dans un écrit médical le terme incubus par celui de « cauchemar », qui restera par la suite dans la nosologie médicale. Les descriptions cliniques reprennent la sensation d’oppression thoracique par un cheval, revenant à la notion de Mahr, fantôme montant à cheval pour écraser la poitrine des dormeurs : « Le caractère principal du cauchemar consiste dans le sentiment d’une forte pression que le malade attribue à un poids quelconque, et le plus souvent à un être vivant placé sur sa poitrine. Les formes les plus communes […] sont celles d’un cheval monstrueux, d’un homme difforme ou d’une vieille femme qui sauterait sur la poitrine du malade et y resterait couché ou assis [4]. » Le cauchemar inspire une abondante production artistique. Maupassant y consacre une nouvelle, Le Horla. Il dépeint le cauchemar comme une créature mythique écrasante : « Un cauchemar m’étreint ; je sens bien que je suis couché et que je dors […], je sens bien que quelqu’un […] me palpe, monte sur mon lit, s’agenouille sur ma poitrine […]. Moi je me débats, lié par une impuissance atroce […], j’essaye avec des efforts affreux, en haletant, de rejeter cet être qui m’écrase et qui m’étouffe, je ne peux pas [16] ! » Le peintre Paul Gaugin, quant à lui peint la toile Manao Tupapau. Le Tupapau est un démon polynésien qui surprend le dormeur en s’asseyant sur lui ; le tableau représente cette créature mythique assise aux pieds d’une tahitienne couchée et nue. La dimension sexuelle de la symptomatologie du cauchemar, combattue par l’Inquisition deux siècles plus tôt transparaît à travers cette œuvre. De son côté, le peintre Füssli nous gratifie d’une vision du cauchemar nettement moins sensuelle et plus inquiétante. Sa toile représente la créature démoniaque assise sur la poitrine de sa victime, l’empêchant de respirer. Un cheval fantomatique au regard vide apparaît au second plan, rappelant la légende de la Mahr, fantôme écrasant de sa monture le dormeur.

15Les manifestations du cauchemar ont donné naissance à une multitude de folklores populaires contemporains. Les Slaves le nomment Murawa, les habitants de Terre-Neuve, une province du Canada, l’appellent Old Hag Attack ou attaque de la vieille sorcière. Le folklore japonais a retenu le nom de Kanashirabi. Mais quel que soit le nom donné au cauchemar, la physiopathologie du trouble est à présent mieux connue. Le cortège des symptômes classiquement décrits est secondaire au phénomène appelé paralysie de sommeil paradoxal [3]. Il s’agit d’un événement fréquent qui survient en l’absence de toute pathologie psychiatrique ou neurologique. Le trouble est secondaire à un état d’éveil dissocié au cours du sommeil paradoxal, phase de sommeil qui correspond à la production onirique. La prévalence d’un tel trouble concerne presque 50 % de la population normale, mais ne passe à la chronicité que chez 3 à 6 % de la population [13]. Plusieurs publications de cas cliniques décrivent des sujets présentant un tel trouble. Comme les auteurs le signalent, le diagnostic différentiel avec un trouble psychotique aigu peut être délicat à faire. Stores a décrit en 1998 le cas d’un jeune homme de 26 ans présentant un tel trouble, se répétant sur une période de 3 ans. La symptomatologie consistait en une paralysie quasi complète des 4 membres s’accompagnant d’hallucinations visuelles hypnagogiques. Le sujet disait voir un garçon inconnu s’asseoir soit sur ses pieds, soit sur sa poitrine l’empêchant de respirer. Des hallucinations cénesthésiques complétaient le tableau avec des impressions de décharges électriques dans le corps [21]. Un autre cas intéressant est celui d’une jeune femme de 25 ans diagnostiquée initialement à tort comme schizophrène. Les symptômes présentés (impression d’être étouffée par un démon en pleine nuit, sensation d’une présence malveillante dans la chambre) avaient orienté initialement vers un délire de type paranoïde [7]. L’évolution clinique et l’exploration en laboratoire du sommeil ont permis de redresser le diagnostic.

16Diverses équipes médicales se sont penchées sur les cas de patients ayant présenté des attaques d’Old Hag ou de Kanashibari. L’équipe de Ness a pu confirmer que les attaques de la vieille sorcière (Old Hag) trouvaient bien leur origine dans un état de veille dissocié au cours du sommeil paradoxal [18]. De son côté l’équipe de Fukuda s’est attachée à confirmer la nature du phénomène du Kanashibari. L’association paralysie du sommeil paradoxal avec le phénomène folklorique japonais a ainsi été validée [6].

17L’équipe de Cheyne a étudié la symptomatologie des paralysies du sommeil paradoxal sur une cohorte de 870 patients. Parmi les participants, 29 % présentaient des antécédents de paralysie du sommeil. L’immobilité avec paralysie est rapportée dans 30 % des cas. Les autres symptômes sont l’impression d’une présence malveillante dans la chambre (15 %), une forte pression thoracique (12 %), des hallucinations auditives (12 %), une impression de flottement du corps au-dessus du lit (11 %), et enfin des hallucinations visuelles (9 %) avec la vision d’êtres surnaturels. Sur l’ensemble des personnes ayant vécu un tel événement, seule la moitié a évoqué l’histoire à un proche. Les autres n’en ont jamais parlé de peur d’être pris pour des « fous ». Seuls 5 % des sujets ont présenté un tableau complet de paralysie du sommeil paradoxal tel qu’il correspond au phénomène folklorique du Old Hag.

18La forte oppression thoracique, la sensation d’étouffement et la paralysie des membres sont secondaires à la physiologie même du sommeil paradoxal. Cette phase de sommeil est caractérisée par une atonie musculaire complète. Au total, les symptômes rapportés pendant un épisode de paralysie du sommeil paradoxal sont dissociables en 3 facteurs :

  • sensation de présence malveillante, pouvant s’accompagner d’hallucinations auditives, visuelles (vision d’êtres maléfiques) ou cénesthésiques (intéressant souvent les zones sexuelles). Tout ceci est inclus sous le terme d’« intrus » ;
  • difficultés respiratoires, sensation d’étouffement, pression thoracique. Cette symptomatologie est incluse sous le vocable d’« incubus » ;
  • illusions corporelles de mouvements, de flottement du corps dénommées dans la littérature spécialisée « expériences de décorporation » ou « out of body experience ». Cette symptomatologie serait secondaire à une anomalie de fonctionnement du cortex vestibulaire à l’occasion d’un éveil dissocié lors du sommeil paradoxal [2].
Les 2 premiers événements seraient secondaires à une importante activation de l’amygdale et des zones corticales associatives visuelles et auditives fréquemment activées à l’occasion des productions oniriques [1].

 

19Le dernier élément permet donc de rattacher à la paralysie du sommeil paradoxal au folklore moderne consistant à croire en la possibilité d’un voyage de l’âme hors du corps humain pendant la nuit.

20Par ailleurs, les paralysies du sommeil paradoxal ont donné naissance à d’autres croyances modernes particulièrement à la mode depuis les années 1960 : celles d’enlèvements par des extraterrestres. Il est intéressant de relever à ce sujet que les abductions par les aliens s’effectuent dans la quasi-totalité des cas au domicile des victimes, la nuit durant leur sommeil. Les témoignages recueillis font régulièrement état de petites créatures s’aventurant dans la chambre desdites victimes, celles-ci se décrivant comme paralysées, sentant leur corps s’élever au-dessus du lit. Quelques sujets déclarent avoir été abusés sexuellement par les ravisseurs extraterrestres, décrivant bien les hallucinations cénesthésiques ressenties au niveau des zones sexuelles. Plusieurs équipes se sont intéressées à cette problématique et ont pu confirmer pour certaines personnes le diagnostic de paralysie du sommeil paradoxal [5, 15].

21Malgré l’explication rationnelle de certains phénomènes surnaturels ou paranormaux par ce trouble du sommeil particulier, les croyances populaires ont la vie dure. Un célèbre cas de paralysie du sommeil paradoxal a ainsi été porté au grand écran dans le début des années 1980. Il s’agit du film L’Emprise, réalisé par Sidney J Furie, dont le scénario serait « inspiré de faits réels ». L’actrice Barbara Hershey incarne une jeune mère de famille célibataire qui subit les viols répétés d’une étrange entité invisible. Elle décrit des nains invisibles chacun immobilisant un membre, l’empêchant de se débattre tandis qu’un démon la viole. Le cauchemar continue donc d’alimenter de nos jours productions artistiques et mythologie moderne.

Conclusion

22La notion de cauchemar recouvre un trouble surprenant le dormeur, se manifestant par une oppression thoracique, une sensation d’étouffement et de paralysie. Une présence malveillante, voire maléfique est régulièrement décrite. Parfois, des hallucinations visuelles, auditives et cénesthésiques complètent le tableau. Ce trouble est décrit par de nombreuses civilisations, depuis la Grèce Antique jusqu’à nos jours. Très tôt, des tentatives de compréhension médicale ont vu le jour. Cependant, le cauchemar s’est vu approprié un temps par l’Inquisition en Europe, donnant naissance au mythe des incubes et des succubes. Rapidement retourné dans le giron de la psychiatrie et de la médecine, l’origine du cauchemar a été identifiée comme un état de veille dissocié au cours du sommeil paradoxal. Nous voyons que la définition moderne du cauchemar, telle qu’elle nous est donnée par le DSM-IV ou la CIM-10 (celle de rêve terrifiant), est loin de refléter le sens premier de ce terme.

23Pourtant identifié et, au moins en partie, expliqué, ce trouble du sommeil continue d’alimenter les folklores populaires modernes. Les attaques de vieilles sorcières (Old Hag Attack) ont laissé la place aux expériences de décorporation ou « out of body experience » et aux enlèvements par des extraterrestres.

 

 

Mis en ligne le 9 janvier 2022