Jeanne d ' Arc
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Jeanne d'Arc | ||
Seule représentation contemporaine connue de Jeanne d'Arc, esquissée en marge d'un registre par Clément de Fauquembergue, greffier du parlement de Paris, le 10 mai 14291. Ne l'ayant jamais vue, le greffier la dessine par ouï-dire, comme une figure allégorique sans prétention au portrait physique réaliste, avec un vêtement féminin (la robe décolletée), nu-tête et « décoiffée », les cheveux longs dénoués caractérisant en l'occurrence la prostituée ou la prophétesse, femmes hors de l'ordre social médiéval. À ces attributs féminins symboliques, pourtant délaissés par la Pucelle qui portait l'habit masculin et la coupe en sébile, Fauquembergue ajoute une épée et un étendard à deux queues arborant les initiales « JHS » (monogramme trilitère du nom grec de Jésus-Christ), détails puisés dans les échos de la levée du siège d'Orléans2,3,4,5,6. Archives nationales, Registre du Parlement de Paris, 1429. |
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Surnom | « La Pucelle » (« la Pucelle d'Orléans » est un surnom posthume qui se diffuse tardivement aux xvie – xviie siècles) | |
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Naissance | vers 1412 Domrémy (Bar, France) | |
Décès | 30 mai 1431 (à l'âge approximatif de 19 ans) Rouen (Normandie, France) | |
Origine | Duché de Bar | |
Allégeance | Royaume de France | |
Années de service | 1428 – 1430 | |
Conflits | Guerre de Cent Ans | |
Faits d'armes | Siège d'Orléans Bataille de Jargeau Bataille de Meung-sur-Loire Bataille de Beaugency Bataille de Patay Chevauchée vers Reims Siège de Troyes Bataille de Montépilloy Siège de Paris Siège de Compiègne | |
Famille | Fille de Jacques d'Arc et d'Isabelle Rommée ; 3 frères et 1 sœur : Jacquemin, Jean, Pierre et Catherine d'Arc | |
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Jeanne d'Arc, dite « la Pucelle », née vers 1412 à Domrémy, village du duché de Barn 1 (actuellement dans le département des Vosges en Lorraine), et morte sur le bûcher le 30 mai 1431 à Rouen, capitale du duché de Normandie alors possession anglaise, est une héroïne de l'histoire de France, chef de guerre et sainte de l'Église catholique, surnommée posthumément « la Pucelle d'Orléans ».
Au début du xve siècle, cette jeune fille d'origine paysanne affirme qu'elle a reçu de la part des saints Michel, Marguerite d'Antioche et Catherine d'Alexandrie la mission de délivrer la France de l'occupation anglaise. Elle parvient à rencontrer Charles VII, à conduire victorieusement les troupes françaises contre les armées anglaises, à lever le siège d'Orléans et à conduire le roi au sacre, à Reims, contribuant ainsi à inverser le cours de la guerre de Cent Ans.
Capturée par les Bourguignons à Compiègne en 1430, elle est vendue aux Anglais par Jean de Luxembourg, comte de Ligny, pour la somme de dix mille livres. Elle est condamnée à être brûlée vive en 1431 après un procès en hérésie conduit par Pierre Cauchon, évêque de Beauvais et ancien recteur de l'université de Paris. Entaché de nombreuses irrégularités, ce procès voit sa révision ordonnée par le pape Calixte III en 1455. Un second procès est instruit qui conclut, en 1456, à l'innocence de Jeanne et la réhabilite entièrement. Grâce à ces deux procès dont les minutes ont été conservées, elle est l'une des personnalités les mieux connues du Moyen Âge.
Béatifiée en 1909 puis canonisée en 1920, Jeanne d'Arc devient une des deux saintes patronnes secondaires de la France en 1922 par la lettre apostolique Beata Maria Virgo in cælum Assumpta in gallicæ. Sa fête nationale est instituée par la loi en 1920 et fixée au 2e dimanche de mai7.
Elle est dans de nombreux pays une personnalité mythique qui a inspiré une multitude d'œuvres littéraires, historiques, musicales, dramatiques et cinématographiques.
Contexte politique du royaume de France (1407–1429)
Enluminure d'inspiration bourguignonne (xve siècle, Bibliothèque nationale autrichienne, Vienne).
L'intervention de Jeanne d'Arc s'inscrit durant la seconde phase de la guerre de Cent Ans, qui voit le conflit séculaire entre les royaumes anglais et français s'enchevêtrer avec une guerre civile résultant de l'antagonisme des princes du sang de la dynastie royale des Valois8.
Depuis 1392, le roi de France Charles VI, dit « le Fol », est sujet à des troubles psychiques intermittents qui le contraignent progressivement à délaisser le pouvoir au profit de son Conseil, devenu bientôt le siège de sourdes luttes d'influences entre son frère, le duc Louis d'Orléans, et son oncle, Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. La discorde entre les princes des fleurs de lys s'exacerbe lorsque Jean sans Peur, fils de Philippe le Hardi, succède à son père défunt en 1404. Le nouveau duc de Bourgogne finit par faire assassiner son rival et cousin Louis d'Orléans en novembre 1407, acte déclencheur d'une guerre civile entre les Bourguignons et les Orléans. Les partisans de la maison d'Orléans sont ensuite appelés « Armagnacs » eu égard à l'engagement du comte Bernard VII d'Armagnac aux côtés de son beau-fils Charles d'Orléans, fils et successeur du défunt duc Louis9.
Profitant de ce conflit fratricide, le roi Henri V d'Angleterre, jeune, déterminé et déjà rompu aux armes, relance les hostilités franco-anglaises en réclamant des pans entier du royaume de France. En 1415, l'armée du monarque Lancastre débarque en Normandie, assiège Harfleur puis taille en pièces la chevalerie française à Azincourt10, notamment en raison de la supériorité militaire conférée par les archers galloisn 2. À compter de 1417, Henri V entame la conquête méthodique de la Normandie et la parachève en s'emparant de la capitale ducale, Rouen, en 141910.
Devant le péril Lancastre, le dauphin Charles et Jean sans Peur se rencontrent le 10 septembre 1419 sur le pont de Montereau en vue d'une réconciliation mais le duc de Bourgogne est assassiné au cours de l'entrevue, peut-être à l'instigation du dauphin lui-même ou de certains de ses conseillers armagnacs. Fortuit ou prémédité, le meurtre de Montereau entraîne dans l'immédiat « des conséquences calamiteuses » pour le parti delphinal12 puisqu'il empêche moralement toute entente entre les princes Valois de France et de Bourgogne. Fils de Jean sans Peur et nouveau duc de Bourgogne, Philippe le Bon forge ainsi avec les Anglais une alliance « de raison et de circonstance », au demeurant émaillée de nombreuses dissensions. De fait, le prince bourguignon se voit réduit par les Lancastre au rôle de vassal et conseiller alors qu'il envisageait de devenir à tout le moins régent ou lieutenant général du royaume. Frustré dans ses ambitions françaises, le duc Philippe le Bon poursuit par ailleurs l'extension septentrionale d'un vaste ensemble territorial, les « États bourguignons », en y intégrant des principautés sises dans les Pays-Bas13.
Forts de l'appui bourguignon, les Anglais sont en mesure d'imposer le traité de Troyes, signé le 1er décembre 1420 entre le roi Henri V d'Angleterre et Isabeau de Bavière, reine de France et régente. Selon les termes de ce contrat visant une « paix finale », Henri V devient le régent du royaume de France et l'époux de Catherine de Valois, fille du roi Charles VI « le Fol »14. À la mort de celui-ci, la couronne et le royaume de France doivent échoir à son gendre Henri V d'Angleterre, puis perpétuellement aux héritiers successifs du roi anglais. Les historiens dénomment « double monarchie » l'entité politique définie par le traité, à savoir l'union des deux royaumes sous la férule d'un souverain unique15.
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Le roi Charles VI, alité
(BnF, vers 1470-1475). -
Assassinat du duc Louis d'Orléans
(BnF, vers 1470-1480). -
Le roi Henri V d'Angleterre
(National Portrait Gallery, fin xvie-début xviie siècle). -
Jean sans Peur, duc de Bourgogne
(musée du Louvre,
début du xve siècle). -
Assassinat du duc Jean sans Peur à Montereau
(bibliothèque de l'Arsenal, xve siècle). -
Charles VI et Isabeau de Bavière durant le traité de Troyes
(Chroniques de Jean Froissart, British Library, Harley 4380, fo 40, circa 1470-1472).
Or le traité de Troyes spolie de son droit à la succession le dernier fils survivant du roi fou, le dauphin Charles, stigmatisé en tant qu'assassin du duc Jean de Bourgogne. En 1422, à la suite des décès successifs des souverains Henri V d'Angleterre et Charles VI de France, la dynastie des Lancastre revendique « l'union des deux couronnes » en la personne d'un enfant âgé de neuf mois : Henri VI, roi de France et d'Angleterre15. Dans le cadre de la double monarchie, le duc Jean de Bedford, frère cadet de Henri V, devient le régent du royaume de France durant la minorité de son neveu Henri VI. Pour sa part, le dauphin Charles se proclame également roi de France sous le nom de Charles VII. Résolu à recouvrer l'ensemble du royaume, il poursuit la guerre contre les Anglais.
Cette lutte pour la prépondérance délimite trois grands ensembles territoriaux, « Trois France » respectivement gouvernées par les Lancastre, le duc de Bourgogne et le roi Charles VII16, que ses ennemis anglais et bourguignons désignent sous le sobriquet narquois de « roi de Bourges »17.
La double monarchie franco-anglaise englobe diverses provinces : le Sud-Ouest du territoire français demeure traditionnellement soumis à la couronne anglaise, détentrice du duché d'Aquitaine depuis trois siècles18. Dans le Nord, les Anglais contrôlent le duché de Normandie, personnellement réclamé et conquis par Henri V en 1419, puis administré par le duc de Bedford19. « Cœur et chef principal du royaume »20, Paris a subi les massacres successifs de la guerre civile avant de tomber sous la coupe des Bourguignons durant la nuit du 28 au 29 mai 1418 ; « dépeuplée et affaiblie », la capitale passe sous domination anglaise le 8 mai 1420, deux semaines avant que le traité de Troyes soit conclu21. Par la suite, les Anglais se lancent à l'assaut du comté du Maine en 1424 et en achèvent la conquête l'année suivante22,23, ce qui leur permet de menacer les frontières du duché d'Anjoun 3.
Par ailleurs, le duché de Bretagne tente de préserver sa relative indépendance en oscillant entre les couronnes de France et d'Angleterre, suivant « la voie de la neutralité opportuniste » choisie par le duc Jean V de Bretagne, dont la politique demeure « sensible néanmoins aux événements et soumise à des oscillations conjoncturelles »25.
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Charles VII,
roi de France. -
Le jeune Henri VI,
« roi de France et d'Angleterre ». -
Jean de Lancastre, duc de Bedford et régent du royaume de France.
Biographie
Domrémy (vers 1412 - 1429)
Contexte géopolitique de Domrémy
La naissance de Jeanne d'Arc se situe vraisemblablement dans la ferme familiale du père de Jeanne attenante à l'église de Domrémy, village situé aux marches de la Champagne, du Barrois et de la Lorraine, pendant la guerre de Cent Ans qui opposait le royaume de France au royaume d'Angleterre.
Au début du xve siècle, Domrémy se trouve imbriquée dans un territoire aux suzerainetés diverses. Sur la rive gauche de la Meuse, elle peut relever du Barrois mouvant, pour lequel le duc de Bar, par ailleurs souverain dans ses États, prête hommage au roi de France depuis 1301. Mais elle semble être plutôt rattachée à la châtellenie de Vaucouleurs, sous l'autorité directe du roi de France qui y nomme un capitaine (le sire Robert de Baudricourt, au temps de Jeanne d'Arc). Enfin, l'église de Domrémy dépend de la paroisse de Greux, au diocèse de Toul dont l'évêque est prince du Saint-Empire germanique.
L'historienne médiéviste Colette Beaune précise que Jeanne est née dans la partie sud de Domrémy, côté Barrois mouvant, dans le bailliage de Chaumont-en-Bassigny et la prévôté d'Andelot26. Les juges de 1431 corroborent cette origine, de même que les chroniqueurs Jean Chartier et Perceval de Cagny. Seul Perceval de Boulainvilliers considère pour sa part qu'elle est née dans la partie nord, qui relevait de la châtellenie de Vaucouleurs et donc du royaume de France dès 1291.
À la mort d'Édouard III de Bar, de son frère, Jean de Bar, seigneur de Puysaye, et son petit-fils le comte de Marle, tous tombés à la bataille d'Azincourt, le duché de Bar échoit au frère survivant du duc défunt, Louis, évêque de Verdun, lequel est un temps contesté par le duc de Berg, gendre du feu duc.
Date de naissance incertaine
La date exacte de la naissance de Jeanne d'Arc demeure historiquement incertaine mais l'année 1412, quoique approximative, est retenue27,28 par recoupement29. De fait, aucun registre paroissial n'était alors tenu à Domrémy, comme l'atteste la diversité des témoignages du procès en nullité de la condamnation30. L'enregistrement des baptêmes et sépultures ne sera prescrit officiellement aux curés de paroisses qu'à compter de 1539, bien que la pratique préexiste à l'ordonnance de Villers-Cotterêts dans diverses localités31.
Au début de la vie publique de Jeanne d'Arc, lorsqu'elle rejoint le parti de Charles VII en 1429, son âge exact ne constitue pas un enjeu aux yeux de ses contemporains. Ceux-ci la situent dans la tranche d'âge des puellae, terme latin désignant à l'époque les « pucelles » ou « jeunes filles », autrement dit les adolescentes pubères âgées de 13 à 18 ans, sorties de l'enfance mais non encore adultes. De là vient son surnom, Jeanne « la Pucelle »32.
Illustration de Damblans publiée dans le magazine catholique Le Pèlerin en janvier 1921, quelques mois après la canonisation de la Pucelle.
Lors d'un interrogatoire mené le 21 février 1431 par les juges de son procès de condamnation à Rouen, la Pucelle dit être née à Domrémy et, avoir « à ce qu'il lui semble, […] environ 19 ans27,33 », puis ajoute ne rien savoir de plus à ce sujet. Cependant, elle fournit « un âge précis et non un arrondi », constate Colette Beaune30. Exprimée par la formule consacrée (tel âge « ou environ »), cette connaissance approximative reflète l'indifférence de la culture chrétienne médiévale vis-à-vis de l'anniversaire de la date de naissancen 4. En outre, une enquête préliminaire conduite dans le cadre du procès rouennais voit quatorze témoins s'accorder dans l'ensemble pour prêter à la Pucelle l'apparence d'une jeune femme d'environ 19 ans en 1431n 5. Enfin, malgré l'à-peu-près caractérisant tous les témoignages relatifs à l'âge de Jeanne d'Arc, les déclarations recueillies en 1455-1456 auprès de la majorité des témoins du procès en nullité de la condamnation — à quelques exceptions prèsn 6 — se recoupent pour donner 18, 19 ou 20 ans à la Pucelle lors de son procès en 1431. Cela la ferait donc naître vers 141229, conformément à la « fourchette chronologique » (entre 1411 et 1413) établie grâce aux estimations fournies par Jeanne d'Arc elle-même, son écuyer Jean d'Aulon et les chroniqueurs, en tenant compte du nouvel an alors célébré en avril et non en janvier35.
Tardivement, à compter de la seconde moitié du xixe siècle46, certains auteurs indiquent parfois le 6 janvier comme jour de naissance de la Pucelle. Pour ce faire, ils s'appuient sur une lettre rédigée le 21 juin 1429 et adressée au duc de Milan, dans laquelle le chambellan et conseiller royal Perceval de Boulainvilliers retrace l'activité et les faits d'armes de Jeanne d'Arc, en sus d'alléguer sa naissance durant la nuit de l'Épiphanie, autrement dit le 6 janvier, sans spécifier l'annéen 7. Singulière par sa précision inhabituelle pour l'époque et le milieu social35, la date de cette venue au monde n'est pas authentifiée avec certitude par les historiens médiévistes qui tendent plutôt à souligner la valeur symbolique de cette nuit des Rois49,39,50,51 analogue à la « naissance d'un sauveur pour le royaume »52 d'après le langage prophétique du temps. Au demeurant, la missive de Perceval de Boulainvilliers associe d'autres éléments mythographiques à cette Épiphanie d'exception, comme l'étrange allégresse ressentie par les villageois de Domrémy ou le long chant nocturne d'un coq53. Cet oiseau, progressivement assimilé au peuple français dans certains textes d'époque54, représente aussi l'animal emblématique de « la vigilance chrétienne qui fait reculer péchés et ténèbres et annonce la lumière », précise Colette Beaune53. Différentes sources médiévales accolent également des signes merveilleux à la naissance et l'enfance de la Pucellen 8, conformément à la tradition antique des prodiges annonciateurs de la venue au monde d'un héros30. Néanmoins, aucune déposition des habitants de Domrémy, avant et durant le procès en nullité de la condamnation, n'évoque l'Épiphanie ou les phénomènes supposément survenus au cours de cette nuit59,60.
Anthroponymie et surnom
Manuscrit d'Urfé64, Paris, BnF, département des manuscrits, ms. Latin 8838, fo 1 ro, xve siècle.
L'appellation « Jeanne d'Arc » reste peu usitée avant le xviiie sièclen 9. Lorsque la proche parentèle de Jeanne intente officiellement le procès en nullité afin de laver l'honneur familial de la condamnation infamante, les actes de la procédure réinsèrent la Pucelle dans sa famille en employant quelquefois le nom Johanna Darc, tout en désignant à l'avenant sa mère Isabelle et ses frères Jean et Pierre par le surnom patronymique encore inusuel69.
Détail du manuscrit d'Urfé, Paris, BnF, département des manuscrits, ms. Latin 8838, fo 1 ro, xve siècle.
Selon la transcription latine de son procès de condamnation, la Pucelle répond à ses juges que son « nom » est Jeanne (Jeannette70,71 « dans son pays ») et son « surnom » (son nom de famille, en l'occurrence) « d'Arcn 10. » En latin médiéval, de Arco signifie « de l'arche » ou « du pont ». Il s'agit initialement d'un surnom médiéval qui caractérise une personne résidant près d'un pont, origine des noms courants Dupont ou Dupond. Le patronyme d'Arc se rapporte peut-être à un microtoponyme disparu, un lieu-dit, un village ou une ville79,80 mais aucun document n'atteste une localité en particulier, non plus que l'hypothèse d'une origine patronymique champenoise se rattachant au village d'Arc-en-Barrois79.
Ce patronyme s'orthographie diversement en moyen français dans les documents du xve siècle car aucune règle n'est alors fixée à ce sujet. On trouve le plus souvent Darc mais également les variantes Tarc81, Tart82, Tard, Dart, Dars, Darx, Dare83, voire Day ou d'Ailly (Daly au xvie siècle) d'après la transcription phonétique du patronyme de Jeanne, prononcé avec l'accent lorrain local : « Da-i »81. Qui plus est, ses frères Jean et Pierre d'Arc se font appeler Duly ou du Lys à Orléans. De fait, des fleurs de lys figurent dans les armoiries conférées à leur sœur en mai 1429, à la suite de la levée du siège d'Orléans ; il s'agit probablement là d'un jeu de mots d'ordre héraldique inspiré par la prononciation lorraine du patronyme84.
Au reste, l'usage typographique de l'apostrophe débute uniquement à partir du xvie siècle83,85. Une querelle idéologique dépassée n'en fut pas moins disputée en France au xixe siècle autour de l'orthographe du patronyme de Jeanne, rappelle Olivier Bouzy : il importait alors de privilégier arbitrairement la graphie Darc afin de souligner la roture d'une « fille du peuple »n 11 ou, inversement, de revendiquer à tort la particule d'Arc comme une marque de noblesse91.
Par ailleurs, durant l'interrogatoire tenu le samedi 24 mars 143176,77, la Pucelle mentionne également son matronyme « Rommée »76,77,78, peut-être d'« origine localen 12 ». Elle évoque ensuite l'usage de Domrémy où les femmes portent le nom de leur mèren 13. Dans son pays, à savoir « l'espace de l'interconnaissance : le terroir communautaire » englobant Domrémy jusqu'à Vaucouleurs95, Jeanne est vraisemblablement désignée par son surnom enfantin et son matronyme, « la Jeannette de la Rommée »93. Dans le cadre de sa vie publique, ses autres contemporains l'appellent par son seul prénom « Jeanne »66, fort courant en son tempsn 14.
Son prénom est parfois accolé à son surnom « la Pucelle » attesté très tôt, dès le 10 mai 1429. Or ce terme — doté d'une majuscule — acquiert une telle popularité à l'époque qu'il suffit en lui-même à dénommer Jeanne d'Arc « en langue vulgaire », c'est-à-dire en moyen français97. Émanant de sa classe d'âge32, le vocable lui devient « une désignation, unique, personnelle », souligne la médiéviste Françoise Michaud-Fréjaville : Jeanne « a reçu pour sa mission un sobriquet qu'ont repris partisans et adversaires. Puella, c'est la fillette, la jeune fille et aussi la vierge consacrée à Dieu », selon le sens revendiqué par l'héroïne98. En revanche, la « Pucelle d'Orléans » est un surnom posthume99 employé à compter des années 1475-1480100 avant de se répandre aux xvie – xviie siècles101.